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Laboratoires de Dialectique
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« On a condamné la dialectique. Sans attendre la révision du procès, je l'évade ! »

Au fur et à mesure que le paysage se ferme d'images publicitaires, les préoccupations des gens se heurtent à cette propagande irréaliste. Selon les apparences, l'art qui auparavant louait la divinité, puis enchantait l'homme, en serait venu à vanter les objets désincarnés massivement mis en vente. Non content d'occuper l'esprit des contemporains, la publicité commerciale prétendrait ainsi servir de culture de masse pendant que la culture d'élite s'isole du public. Mais le grand art, s'il est consécration, est aussi contradiction. Il ne laissera pas distraire le grand public par une communication qui ne vise qu'à la promotion d'une particularité à la dimension de la qualité publique. Plats de nouilles pour publivores pendant la disette des damnés.

En publicité, un tas d'inventions de l'art et de la science sont utilisées afin de rendre plus efficace la manipulation de la population sous influence. Des styles majeurs, de la peinture et jusqu'au cinéma, sont récupérés pour habiller des marchandises nues comme les écorchés vifs qui les ont produites. Mais les annonces ne sont ni belles ni véridiques, parce que le contexte nécessaire à ces qualités y fait défaut. L'œuvre d'art garde quelque chose du vivant qu'elle représente et cela résonne dans l'âme d'un public vivant lui-même en vérité et en beauté. Inversement on comprendra que la réussite de la médiocrité est corrélative à la médiocrité de la vie publique elle-même. Permettez-moi donc, mon sire, d'être de l'autre bord !

Les laboratoires de dialectique sont autant des équipements qu'une raison sociale. La publicité partout présente est la situation déterminée à partir de laquelle on envisage une surenchère poétique. Non pas de nier ou de supprimer simplement la publicité, mais de pousser le jeu à un niveau inconnu en émancipant la publicité du cadre strict du commerce de masse pour laquelle elle travaille. Cette perspective est tracée à long terme et ne peut se réaliser qu'avec le concours organisé d'artistes et d'un vaste public. Pour l'instant, nous pouvons déjà manifester cette possibilité au cours d'expériences préparatoires au moyen d'œuvres concrètes allant dans ce sens. Voici donc inventé la fin du problème de la page blanche et le début de celui de la page pleine.

Actuellement, on peut distinguer deux groupes d'œuvres : primo, la peinture surimage, peinture publiciste sur fond publicitaire, dialectique picturale d'affiches publicitaires ; secundo, impression publiciste sur papier publicitaire, dialectique graphique d'éléments extraits du contexte publicitaire et couchée sur du papier d'origine. La peinture publiciste sur fond publicitaire est un style de peinture qui consiste à peindre sur une image publicitaire à partir de ses significations initiales. Il s'agit d'atténuer ou de gommer les parties de l'image qui en font une réclame. Lorsque les potentialités de l'image sont ainsi régénérées, on recherche les lignes et les couleurs qui peuvent lui trouver un sens plausible qui satisfasse à des critères artistiques et philosophiques. Cette méthode dialectique de production artistique manifeste en fait le processus productif le plus général : au moyen d'objets existants, le travail produit un nouvel objet, comme dans la nature où les parents font de nouveaux individus possédant leurs propres caractéristiques.

Bien que la publicité ne veuille prétendre à rien d'autre qu'à vanter un produit issu de la production, la mise en scène des choses à vendre se déplace réellement sur le terrain de la culture pour se servir de ses ressorts et non pour l'enrichir d'humanité. Tous les aspects concrets à l'origine de la marchandise sont masqués par le résultat abstrait qui va tout seul au marché,... tout ce qu'il y a d'humain y est subordonné. A contrario, la peinture publiciste tente de rétablir la dimension humaine. En art dialectique, le résultat fabriqué est encore une fois la preuve que le travail est la source de toute nouvelle richesse.
Coup de brosse vital sur panégyrique !

 Peinture Surimage

La peinture, l'art et le public ne peuvent rester neutres devant le développement de la pseudo-culture qui revend du génie sans le payer. La néo-culture est une caractéristique des rapports sociaux où la forme marchandise prédomine. Selon moi, l'art est une activité nécessaire qui a encore un travail immense à accomplir au lieu de continuer à ratiociner sans fin sa propre mort. C'est maintenant l'instant de la fin d'un art romantique où l'introspection est arrivée au fond vide et stérile du seul individu roi (roi, mais de quoi ?). Toute l'histoire de l'art témoigne des contradictions vécues dans la société et des solutions intermédiaires qui nous préservent de la barbarie. Le grand art de l'époque agit dans la culture selon ses moyens extrêmes. Selon moi, il reste orienté dans le sens évident et secret de la dialectique. Il est temps que l'art et la philosophie affichent publiquement le mouvement qui transforme les conditions existantes.

Michel Wauthoz © 1998.

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